Titre : Absolument dé-bor-dée ! , ou le paradoxe du fonctionnaire
Auteur : Zoé Shepard (pseudonyme)
Genre : Essai, Autobiographie, Humour
Editeur : Editions Le Masque
Année d’édition : 2009
Nombre de pages : 194
Résumé : « Les premières semaines, j’ai cherché les caméras.
C’était forcément une plaisanterie.
Six mois après avoir été embauchée à la mairie, j’ai accepté la triste réalité : je suis un petit rouage d’un univers absurde. Un monde où ceux qui en font le moins se déclarent « dé-bor-dés ! » Où les 35 heures se font… en un mois.
Je passe mes trois heures de travail hebdomadaire à pipeauter des notes administratives, bidouiller de vagues rapports, jouer les GO pour délégations étrangères et hocher la tête en réunion.
L’essentiel est de réussir à gaspiller son temps en prenant un air important, à lécher les bottes des dirigeants pour glaner quelques informations et à jouer les fidèles vassaux des élus tout puissants… »
Tel est en résumé le quotidien d’une « desperate fonctionnaire » comme des millions d’autres, qui n’en peut plus de n’avoir rien à faire et d’être obligée, par solidarité avec la fonction, de faire semblant.
Commentaire : Lorsqu’on m’a donné ce livre à lire, je sortais d’une expérience malheureuse au travail à coup de tâches absurdes et collègues horripilants.
“Ce livre est pour toi” m’a-t-on dit lorsqu’on me l’a prêté, et je l’ai donc commencé avec beaucoup d’enthousiasme.
Je l’ai lu en seulement quelques jours et je dois le dire… j’ai beaucoup ri !
Je suis très fan de ce genre d’humour incisif aux vannes acides et caricatures décalées. En ce point, on peut dire que je n’ai pas été déçue puisque cela constitue environ 90% du livre qui se résume à une succession d’anecdotes moqueuses au sein du service administratif de Zoé. Ce qui peut toutefois s’avérer indigeste si on est peu friand de ce genre d’humour.
Au fil de ce défilé d’anecdote on a évidemment un fond d’histoire mais avouons-le, le scénario reste extrêmement pauvre, le livre misant tout sur son humour et l’ahurissement que provoque chaque scène..
Cet essai qui se veut autobiographique est à la fois assez réaliste et trop caricatural.
Réaliste dans la mesure où pour avoir écouté les journées de travail de ma maman fonctionnaire pendant des années, je dois avouer que j’ai reconnu de nombreuses anecdotes ou profils d’employées pendant ma lecture.
D’un autre côté, le fait qu’à peu près tous les personnages sauf Zoe s’avèrent être de sombres abrutis, fainéants et corrompus décrédibilise un peu la chose et rend le personnage principal méprisant et condescendant.
En effet, puisque l’essai se veut autobiographique (Aurélie Boullet – le vrai nom de Zoe Shepard – était haute fonctionnaire territoriale en Aquitaine), on est en droit d’exiger de la crédibilité et du réalisme… Or, quand absolument tout le monde est présenté comme une personne exceptionnellement incompétente, on en vient à se demander si l’auteur n’a pas trop tendance à prendre son entourage pour des bons à rien ce qui peut la rendre antipathique. C’est dommage.
Pour ma part, même si le livre m’a fait beaucoup rire et que j’ai savouré chaque pique – les mots sont maitrisés ! -, la personnalité bêcheuse de l’auteur m’a un peu dérangée.
En conclusion, je dirai donc que si vos êtes amateurs d’humour virulent où connaissez le monde de l’administration, lu au second degré, ce livre pourra vous faire passer un excellent moment de détente.
Sinon, passez peut-être votre chemin.
Extraits :
– On a lu ta note et on s’accorde à dire qu’elle est déplorable.
– Puis-je savoir exactement ce qui ne vous convient pas dans cette note ? Comme aucun élément n’est barré..
– Mais tout la note est à barrer, elle est à refaire intégralement
– Je crois que tu n’as pas bien compris. Il faut la réécrire entièrement. Ce n’est ni fait ni à faire, la police utilisée à la mairie est de l’Arial 11 et tu as écrit en Times New Roman 12.
…
– Je la veux sur mon bureau au plus tard vendredi, exige-t’il.
– Cinq jours entiers me semblent un délai raisonnable pour m’acquitter de cette tâche.
Coralie “Coconne” Montaigne, trou noir cérébral et véritable concierge du service. Reliée à la machine à café comme un insuffisant rénal à sa dialyse, elle passe les trois quarts de son temps face à la porte d’entrée, le quart restant étant logiquement passé aux toilettes, pour la raison invoquée précédemment.
Chaque jour, elle se lève avec une mission : repousser les limites de la bêtise. Mission qu’elle accomplit avec un talent qui force l’admiration.
N’est pas Coconne qui veut.
Le Bizut qui erre dans les couloirs comme une âme en peine :
– Je n’ai rien à faire, se désespère-t-il.
– Bienvenue dans mon univers ! Quel a été le cours le plus chiant auquel il t’a été donné d’assister ?
– Les cours de latin au collège, l’heure n’en finissait pas, répond-il sans hésitation.
– J’ai le regret de t’annoncer qu’à partir d’aujourd’hui, ta vie professionnelle sera un immense cours de latin de 35 heures.
Hmm. Le truc, c’est que pour moi, fonctionnaire, ça ne veut pas dire grand chose sauf quant à la nature de ton employeur et quelques droits et devoirs que tu as (plus le fait que tu as en général passé un concours pour accéder à ce poste, encore que pas toujours) : je suis à peu près sûre qu’un prof, disons, n’a pas la même journée de travail que quelqu’un qui bosserait à l’accueil de la maternité d’un hôpital, par exemple. Du coup ce livre me parait, dans son idée de départ, déjà hyper démago, puisqu’il va faire fi des réalités très diverses que recouvre ce terme valise, pour flatter le besoin de dénigrer ces feignasses planquées qui ont la sécurité de l’emploi (et qui comme chacun sait bossent bien moins qu’un chômeur, comme dit le voisin de la chanson des Fatals Picards :p) Par ailleurs le côté ubuesque des tâches stériles à recommencer doit exister aussi en entreprise, si j’en crois une scène qui m’évoque celle de ton extrait dans Stupeurs et tremblements. Alors comme tu le dis, c’est une satire, mais on serait en mesure d’attendre quelque chose d’un peu fidèle à la réalité, vu l’identité de l’autrice et la cible facile choisie (quelque part c’est l’inverse de “L’open space m’a tuer”, ce livre : il ne prétend pas être choc où lever le voile, il donne aux gens précisément ce qu’ils veulent entendre).
Mais c’est exactement ça ! Même si j’avoue que j’aime assez ricaner doucement de ce genre d’anecdotes (qui peuvent être tout à fait réalistes hein, peut être pas TOUTES dans le même service, au même moment avec les memes personnes) j’ai été élevée dans un milieu très fonctionnaire et j’ai donc toujours été exposée à cette sorte de jalousie gratuite et à ma vision des choses, de l’interieur. Ce qui fait que si j’arrive à rigoler de ces blagues, j’arrive aussi à savoir que ce ne sont que des clichés impossible à généraliser sur toute une fonction (et encore plus quand, comme tu le dis, c’est une fonction qui couvre plusieurs métiers)
En fait, comme disait un philosophe contemporain : “on peut rire de tout, mais pas avec n’importe qui”, et je crois que la phrase la plus importante de cet article est celle-ci : ” lu au second degré, ce livre pourra vous faire passer un excellent moment de détente.” Mais ça, ce n’est pas donné à tout le monde, et le truc un peu moche, c’est ceux qui le liront au premier degré et malheureusement il y en aura…
Je suis totalement d’accord avec vous deux et j’aurais dû le mettre dans ma critique. “Fonctionnaire” est un terme valise qui regroupe des métiers totalement différents, dont beaucoup sont bien loin de la glandouille des bureaux des mairies et autres.
Pour ma part, ma maman travaillait dans des bureaux de mairies où il y a beaucoup de glandus et où elle faisait partie de ceux qui se font exploiter et font tout pour les autres. Et pourtant, je l’ai vu se faire rabaisser toute sa vie pour être fonctionnaire, et son statut de “privilégiée”, alors que c’était loin d’être la planque dans son cas.
J’ai aussi des amies qui bossent dans les hôpitaux ou en tant que prof, et c’est loin d’être ce paradis de flemme qu’on nous vend.
C’est pour ça, j’avais apprécié ce livre surtout pour les vannes en fait (mon côté humour vache), pas vraiment pour le fond que j’avais trouvé un peu facile et cliché.
Elle avait écrit un tome 2 d’ailleurs, mais je n’ai jamais eu l’envie de le lire. Un c’était sympa, mais voilà, sans plus 🙂
Lol, j’avais laissé un commentaire qui était un vrai pavé sur cet article, et je ne sais pas ce qu’ils s’est passé au moment de poster mais il s’est perdu quelque part dans la stratosphère. :p Du coup, j’avoue que j’ai la flemme de le retaper (mais je laisse celui-ci à la place pour voir si j’arrive quand même à laisser des comm’, donc pardon pour le message inutile)